Joe était dans un bon jour ce matin-là. Bien qu'au début, il avait du mal à encaisser son vulgaire statut d'employé, lui qui n'avait jamais vraiment travaillé de sa vie, lui qui avait l'habitude d'être servi et adulé, il y prenait goût. En premier lieu, il remarquait qu'un serveur aussi charmant attirait l'attention des demoiselles clientes de l'hôtel. A présent, il était parfaitement rodé. Il connaissait son job jusqu'au bout des ongles, savait quoi faire, quand et comment. Ses gestes se faisaient de plus en plus mécaniques. Il prenait conscience qu'il était doué de ses mains, finalement. Son Ego n'en sortait que renforcé. Il assurait, voilà tout.

Comme à son habitude, Joe débarqua à sept heures tapantes. La ponctualité n'était pas un problème pour lui. N'étant pas une fille, il n'avait pas besoin de passer des heures sous la douche ou devant son miroir. Sa tenue de travail, un simple jean et un tee-shirt blanc, reposait sur une chaise, près de son lit. Un simple coup de peigne suffisait à discipliner ses cheveux châtains. Un peu d'eau de Cologne, un peu de dentifrice et il était paré, prêt à donner le meilleur de lui même.

Quand il arrivait sur son lieu de travail, l'endroit était généralement désert. Rares étaient les vacanciers qui sortaient à une heure si matinale. Il lui arrivait de temps à autres de croiser un prof de tennis, une femme de ménage ou un livreur mais généralement, il ne s'attardait pas à discuter. Disons que les employés de l'hôtel n'étaient pas vraiment fier de leur nouveau statut, la sympathie n'était donc pas de mise...

Joe ne s'occupa pas de la terrasse immédiatement. Il préféra passer un coup de chiffon sur le bar, finir la plonge qu'il n'avait pas eu le courage de terminer la veille au soir et approvisionner les boissons. Le matin-même, sur la porte de sa chambre, il avait trouvé un petit mot d'un(e) des propriétaires de l'établissement. Apparemment, une fille serait entièrement sous ses ordres. C'était un essai. Il ignorait les raisons de cette nouveauté. Mais ça lui plaisait, évidemment. Car le nom de la jeune fille lui évoquait quelque chose. Un souvenir récent.

Quelques jours auparavant, en effet, alors qu'il terminait son service du soir, une certaine Silverstone manquait de se noyer dans la piscine de l'hôtel. Après avoir cru à un accident, Joe avait vite compris qu'elle n'était pas dans son état normal, l'idiote. La drogue était un véritable fléau ici! Il connaissait déjà ses ravages en fréquentant Scar, une pauvre paumée qui l'attirait irrésistiblement, sans raison apparente. Bref, pour s'éviter le moindre souci, il avait gentiment ramené l'accidentée dans sa chambre. Mais en partant, après l'avoir bordée, il avait remarqué les miettes de son miroir jonchant le sol de la salle de bain. C'est à partir de ce moment là, précisément, qu'il avait compris qu'elle avait un réel problème.

Joe aperçut Silverstone arriver. Il ne lui restait plus que quelques bouteilles à ranger. Il était près de neuf heures et les premiers clients étaient déjà installés. « Que veux-tu que je fasse? » avait-elle lancé, sans un mot de plus. Pas un bonjour, pas un sourire, rien. Drôle de façon de le remercier! Mais il comprit vite qu'elle se sentait affreusement mal à l'aise. Tout dans son attitude (ses mains dont elle ne savait pas quoi faire, son regard fuyant, ses traits tirés) démontrait qu'elle mourrait de peur. Peur qu'il la dénonce peut être? Ce n'était pas son genre mais si elle voulait jouer à ce jeu, il était partant!

- Bonjour, ça va, merci. Répliqua t-il sèchement. Ces deux petits déjeuners sont prêts, tu n'as plus qu'à les servir. Voici le plan de salle. Aujourd'hui, tu joues les serveuses. Tu t'occupes des clients, et moi des commandes.

Il la fixait, attendant qu'elle lève les yeux vers lui. Il remarqua une petite coupure à la main. Du sang séché, rien de plus, rien de grave.

- Il faudra camoufler ça, fit-il en désignant la blessure. Tu as été en contact avec un objet tranchant récemment?

Mon coeur battait terriblement fort, nerveuse, je ne savais pas quoi répondre, je sentais mon coeur sous ma poitrine, ça faisait mal. Je ne savais pas quoi répondre. Il devait bien se douter de ce qui était arrivée, que j'avais touché à mon miroir brisé par mes deux poings. Cette coupure était présente depuis, j'en avais plusieurs même. Elles ne cicatrisait pas pour la simple raison que chaque jour j'empirais ma douleur en me regardant dans cette glace maintenant brisés et je finissais pas finir par me faire du mal physiquement que tentant de briser ce miroir un peu plus, en tentant de me détruire un peu plus chaque fois. Je devais trouver une excuse, déjà que l'expression dans mon visage devais parler pour moi, il devait voir que je paniquais, que je cherchais quelque chose à dire. Avant de prendre trop de temps et rendre cette coupure plus suspecte qu'elle l'était, je choisitsde prendre la parole nerveusement. « eh oui, c'est rien de grave, j'ai brisé une assiette se matin par accident et je me suis couper en nettoyant mon dégât, c'est bête hein. »Puis avant qu'il tente peut-être d'observer ma blessure d'un peu plus près, je parti en direction du petit lavabo pour les employés, normalement utiliser pour nettoyer les verres. « Ça devrait faire l'affaire. » Dis-je en regardant dans sa direction en évitant toujours son regard. Ce que je voulais dire, c'était qu'un petit lavage de mains nettoierait le sang et tout serait beau. Ça brulait, le savon nettoyait mes plaies infectées probablement. Je me forçais à ne pas froncer les sourcils, je me forçais d'avoir l'air normale. Chose que je n'étais pas, je le savais. Pourtant, sous l'effet de ces pilules fournies par le dealer du coin, je réussissais à avoir l'air d'une fille normale. J'avais pris deux comprimés avant de quitté ma petite maison, ils commençaient à faire bien leur effet et si ce n'était pas de la présence de Joe, j'aurais probablement oublié mes problèmes pour quelque heures. « Voilà! » Était ce que j'avais réussit à dire avec un sourire presque naturel, puis je pris les deux assiettes prêtes à être servies. Me forçant à avoir l'air naturellement de bonne humeur pour ces clients qui méritaient un bon services, je leur servis poliment leur plat et repartie dans la direction de Joe, même si j'aurais préféré partir loin de lui.